Économétrie
L'économétrie sert à désigner la totalité des techniques statistiques conçues pour mesurer des grandeurs économiques ainsi qu'à pratiquer de la recherche en économie.
Page(s) en rapport avec ce sujet :
- Modèles GARCH et Value-at-Risk Master économétrie et statistique appliquée (ESA), Université d'Orléans Master Ingénierie Economique et Financière, ... (source : univ-orleans)
- pROPAGE Modèle employé (s) pour : économétrie Modèles mathématiques modèles économiques. Terme (s) générique (s) : économétrie modèles mathématiques... (source : eguides)
- L'économétrie est une discipline qui applique les méthodes statistiques à l'estimation des modèles économiques ainsi qu'à leur validation.... (source : catalogue.polytechnique)
L'économétrie sert à désigner la totalité des techniques statistiques conçues pour mesurer des grandeurs économiques ainsi qu'à pratiquer de la recherche en économie.
Dans ce cadre, elle remplit trois fonctions :
- La mesure de grandeurs préalablement définies par l'économie (emploi, croissance, valeur ajoutée, etc. ) ;
- La vérification empirique de relations entre ces grandeurs prédites par des modèles issus de l'économie mathématique ;
- L'étude a priori de relations entre grandeurs mathématiques indépendamment d'un modèle économique sous-jacent.
L'économétrie est ainsi la branche de la statistique appliquée à l'économie.
On parle quelquefois de macroéconométrie et de microéconométrie pour différencier l'application de ces techniques à deux domaines assez différents.
Histoire de l'économétrie
La société d'économétrie et la Cowles Commission
Si la science économique s'est fréquemment tournée vers les mathématiques pour appréhender son objet d'étude, on considère généralement que l'économétrie commence à se développer sous sa forme moderne dans les années 1920. L'économiste norvégien Ragnar Frisch va jouer un rôle important dans l'apparition de cette discipline et dans son institutionnalisation. On lui attribue d'ailleurs fréquemment la paternité du terme. En 1930, accompagné d'Irving Fisher, il fonde la Société d'économétrie (Econometric society) dont l'objet essentiel est de «favoriser les études à caractère quantitatif qui tendent à rapprocher le point de vue théorique du point de vue empirique dans l'exploration des problèmes économiques», puis en 1933, il crée la revue Econometrica qui devient le principal véhicule de la pensée économétrique.
Les travaux de la Cowles Commission for research in economics (groupe de recherche créé en 1932 à l'université du Colorado, qui s'installe à l'université de Chicago puis à l'université Yale, dont les travaux portent sur la relation entre les théories économiques, les mathématiques et les statistiques) permettront le développement de techniques d'estimations pour des dispositifs d'équations simultanées. Trygve Haavelmo, lauréat du «prix Nobel» d'économie en 1989, fait partie de ce groupe de recherche.
Implantation de la discipline et période moderne
Après la Deuxième Guerre mondiale, l'économétrie se développe particulièrement rapidement. Cette croissance va s'effectuer sur plusieurs niveaux.
- Elle prend dans un premier temps une forte renommée grâce à l'attribution de nombreux «prix Nobel» d'économie, à des économistes connus pour le formalisme mathématique de leurs travaux.
- Elle gagne du terrain dans le champ de la science économique qui devient de plus en plus dépendante des mathématiques.
- Elle prend un statut institutionnel de plus en plus important. En France par exemple, son enseignement est dispensé dans de nombreuses universités.
- Les techniques économétriques se peaufinent, ce qui les rend plus opérationnelles, et ce qui en fait des outils précieux d'aides aux décisions économiques.
On peut distinguer deux grandes périodes dans la recherche économétrique moderne. Jusqu'à la fin des années 1970, les travaux s'orientent vers la spécification et la solvabilité de modèles macroéconomiques à équations simultanées. Puis, suite à l'introduction des anticipations rationnelles et de la critique de Lucas, la recherche se tourne vers la microéconomie et l'analyse des séries temporelles.
Durant la première période, la recherche économétrique porte principalement sur les conditions d'estimation des modèles macroéconomiques d'équations simultanées comportant un élément aléatoire. Chronologiquement, les avancées vont s'effectuer ainsi :
- 1939 : Tinbergen construit un modèle des cycles économiques comportant des équations de comportement. Chacune des équations est estimée au moyen de la méthode des moindres carrés.
- 1944 : Haavelmo pose les conditions générales de solvabilité.
- 1945/1950 : Klein présente les premiers modèles dont la solution est obtenue par la méthode du maximum de vraisemblance.
- 1949 : Koopmans détermine les conditions de solvabilité dans le cas d'un modèle linéaire.
- 1954 : Theil introduit la méthode des doubles moindres carrés.
- 1955 : premier modèle prévisionnel conçu par Klein/Goldberger.
- Dans les années 1960 et années 1970, l'avancée des technologies de l'information entraîne la naissance de modèles macroéconomiques conçus à des fins de prévision. A titre d'exemple, le modèle de Brookings comprend 400 équations. Après 1970 furent utilisés des modèles standards comme celui de Wharton.
- Les années 1970 consacrent aussi la remise en cause des modèles macroéconométriques respectant les traditions. Surtout parce que, suite à leur inefficacité à expliquer et prévoir la stagflation consécutive aux chocs pétroliers, ils seront accusés de ne pas posséder suffisamment de fondations microéconomiques. Lucas montre par exemple dès 1972 le lien entre les anticipations des agents économiques et la variation des cœfficients structurels des modèles macroéconométriques. Sa conclusion est tandis que toute mesure de politique économique conduit à un changement dans le comportement des agents, et que donc, ces agents sont à même de contrer les politiques gouvernementales en les anticipant. Ce qui réduit énormément l'intérêt des politiques budgétaires et monétaires.
Méthodes de l'économétrie
Les méthodes de l'économétrie sont particulièrement variées. En économie mathématique, on retrouve des outils mathématiques particulièrement divers comme l'algèbre, l'analyse, la théorie des jeux et la probabilité. Du point de vue de la statistique appliquée à l'économie, on pourra retenir la, l'analyse des données et la statistique mathématique. Les techniques économétriques au sens strict, sont le plus souvent issues de la statistique mathématique. On retiendra aussi l'importance de l'algèbre matricielle.
Dans les techniques économétriques au sens strict, on trouve en premier lieu les modèles de régression linéaire classiques qui reposent sur de nombreuses hypothèses, puis des modèles plus complexes, qui font sauter une à une ces mêmes hypothèses.
Modèles de régression linéaire
Les modèles de régression linéaire cherchent à déterminer une relation linéaire entre une ou plusieurs variables explicatives (on utilisait à l'origine le terme de variables exogènes, mais l'exogénéité est un concept protéiforme, on distingue actuellement l'exogénéité faible --qui permet la régression -- de l'exogénéité forte -- qui permet la prévision -- et enfin la super-exogénéité -- utile en analyse de politique économique [1] et une ou plusieurs variables déterminées (ou endogènes) à partir d'un ensemble de n observations qualitatives ou quantitatives. On considère généralement que les écarts entre les observations et les relations entre les variables peuvent être expliqués par différentes sources d'erreurs :
- l'agrégation des comportements des agents économiques qui ne prennent pas tous leur décision de manière rigoureusement semblable,
- l'existence d'erreurs de mesure des variables,
- l'existence des variables explicatives qui ne sont pas incluses dans la relation,
- des erreurs qui viennent de ce que la vraie relation n'est pas linéaire.
Dans ces trois derniers cas on dit que la relation a été mal spécifiée. Ces sources d'erreurs sont reconnues comme aléatoires. On les nomme des éléments aléatoires. Fréquemment on suppose que ces éléments aléatoires autour de la valeur théorique, suivent une loi normale, ce qui sert à faire des estimations des paramètres du modèle d'ajustement, et d'effectuer des tests. L'objectif est alors de trouver des relations linéaires entre les variables qui minimisent l'erreur aléatoire. Différentes méthodes existent. On peut par exemple utiliser la méthode des moindres carrés.
La technique de régression dans les modèles linéaires classiques s'appuie sur quelques hypothèses principales :
- La relation entre la variable endogène et la variable explicative est linéaire.
- La constance de cette relation
- L'indépendance entre les éléments aléatoires et les variables explicatives
- Les variables endogènes observées possèdent un élément aléatoire.
- L'espérance mathématique des éléments aléatoires est nulle.
- La variance de l'élément aléatoire est constante. C'est l'hypothèse d'homoscédasticité
- Les éléments aléatoires sont statistiquement indépendants entre eux (à diverses dates, pour différents individus... ).
- Les éléments aléatoires sont distribués suivant une loi normale. Cette propriété se déduit du théorème central limite.
- Les variables explicatives ne sont pas corrélées entre elles.
Historiquement, on considérait que les variables explicatives étaient exemptes d'éléments aléatoires. Ce n'est plus le cas depuis les années 1980, les propriétés des variables endogènes et explicatives doivent être semblables : ce sont des processus aléatoires "semblables", c'est-à-dire soit stationnaires, soit qui peuvent être aisément transformés en processus stationnaires de la même manière (on parle de processus intégrés).
Quand on fait sauter une ou plusieurs de ces hypothèses, on entre dans des modèles économétriques spécifiques, dont les modèles non linéaires.
Modèle de régression non linéaire
|
|
Modèle non paramétrique
Développé par les praticiens sous le nom plus connu de méthode des ondelettes ou de noyau.
Tests de causalité
Les tests de causalité permettent de déterminer si une série temporelle peut en prédire une autre. Le test de Granger est le plus connu.
Modèles dynamiques et séries temporelles
- AR (Modèle Auto-régressif) : la variable est simplement expliquée par ses propres versions décalées dans le temps (ses retards) et un résidu.
- MA (Moving Average en anglais, Moyenne mobile en français) : la variable est expliquée par les retards des résidus.
- ARMA : cette classe de modèle généralise les processus AR et MA.
- VAR (processus vectoriel auto-régressif) : processus AR mais généralisé au cas multivarié.
Principaux résultats et applications de l'économétrie
Les tests économétriques ont apporté un éclairage intéressant à des théories économiques dont étaient tirées certaines politiques économiques. A titre d'exemple, les monétaristes vont remettre en cause la pertinence de la courbe de Phillips en se fondant sur des données statistiques de long terme. De même, les tests économétriques vont fortement affaiblir le lien, essentiel chez les keynésiens, entre consommation nationale et revenu national.
Concernant les applications, l'économétrie va trouver des débouchés dans la finance et dans les politiques économiques budgétaires et financières. Le modèle Black et Scholes par exemple, sert à calculer la valeur des options. Des modèles macroéconométriques ont aussi été mis en place dès les années 1950 pour prévoir l'impact des politiques économiques. La question se pose par conséquent de savoir si l'utilisation des modèles macroéconométriques a un impact sur son objet d'étude. Problème que les monétaristes et les théoriciens des anticipations rationnelles comme Lucas ne manqueront pas de souligner.
Problèmes épistémologiques de l'économétrie
C'est au départ dans l'objectif de faire coïncider les théories économiques avec les données, que les économistes ont mis en place tout un ensemble de techniques économétriques. Leur objectif était de déterminer quels modèles économiques pouvaient être reconnus comme les plus vraisemblables. Ainsi, en s'appuyant sur un processus de sélection des modèles de type poppérien (les modèles les moins vraisemblables devant être progressivement éliminés), ils espéraient pouvoir approcher au mieux la réalité économique sans avoir à intervenir sur elle. Cependant, cette amélioration fut loin d'être systématique. Ceci, malgré une perfection croissante des techniques économétriques. La haute technicité mathématique en économétrie ne doit par conséquent pas masquer le fait que l'économie ne peut prétendre devenir : d'une part une science expérimentale tout comme la physique, la chimie, la biologie ou la psychologie expérimentale, et d'autre part une science d'observation aussi précise et «neutre» que la cosmologie ou la démographie.
Sans prétendre à l'exhaustivité, on peut y voir plusieurs raisons :
- Des raisons d'ordre éthique
Au niveau macroéconomique, une expérience de grande ampleur pourrait plonger un pays dans la récession et engager ainsi la vie de millions de personnes. Au niveau microéconomique, toute intervention concurrencerait les agents déjà impliqués sur le terrain. En général, toute forme d'expérimentation qui implique des personnes humaines pose d'évidents problèmes éthiques.
- Des raisons qui concernent la spécificité des agents économiques
Certaines théories et prédictions économiques ne peuvent être directement testées par l'expérimentation, car il n'est pas envisageable de répliquer l'ensemble des phénomènes économiques dans des conditions de laboratoire, surtout lorsque l'objet d'étude est trop vaste (de la taille d'une nation ou plus). D'autre part, dès qu'ils prennent connaissance des lois économiques, les agents peuvent modifier leurs comportements (l'exemple typique est la prophétie auto-réalisatrice). En outre, les comportements sociaux sont complexes et toujours soumis à une forte part d'aléas, d'irrationalité, et de libre-arbitre. Qui plus est , la réalité économique est fréquemment particulièrement changeante. Il est alors complexe de comparer les variables économiques sur de longues périodes, car les conditions économiques peuvent fluctuer du tout au tout. Enfin, derrière les choix économiques se cachent fréquemment un choix politique sous-jacent qui se produit à l'intérieur d'un environnement social spécifique ; ce qui ne manque pas de soulever le problème de savoir si les lois économiques sont des lois naturelles, ou si elles sont le résultat de l'intervention volontaire des agents économiques.
- Des raisons épistémologiques
Les variables retenues pour cerner l'objet économique peuvent être plus ou moins orientées selon certaines finalités propres à l'observateur (ce dernier ne montrera qu'un aspect partiel et partial de la réalité économique). Autre point, différents tests peuvent conduire à la validation d'hypothèses antagonistes, car la variabilité des techniques économétriques, des configurations historiques, des données disponibles, et les incertitudes théoriques, ne permettent pas forcément de trancher entre différents modèles. Et enfin, le rejet d'un modèle n'implique pas obligatoirement que ce modèle soit irréaliste. Il indique uniquement, que sous certaines conditions, qui ne se reproduiront pas obligatoirement, un modèle a une forte probabilité d'être irréaliste ou faux. Dernier point, sur le plan méthodologique, le recours aux mathématiques en économie est sujet à caution pour de nombreuses raisons (variabilité du comportement, complexité de l'objet d'étude, fluctuations erratiques des prix, corrélations peu robustes entre les variables, etc. )
Bref, l'économétrie est bien loin d'être une «science dure». Cependant, si on fait abstraction de ces nombreuses difficultés, il faut admettre qu'elle a fait preuve d'une certaine efficacité pour mesurer l'impact des politiques macro-économiques. La partie «validation des théories» faisant quant à elle l'objet d'interminables controverses.
D'autre part, on remarquera que le succès de l'économétrie ne fait pas nécessairement l'unanimité chez les économistes. Certains penseurs de l'école autrichienne comme Ludwig von Mises, contestent l'intérêt de la formalisation du comportement économique. Qui plus est , comme John Kenneth Galbraith l'avait noté, l'économie professionnelle est organisée hiérarchiquement : économie hétérodoxe à la base, économie néo-libérale au sommet et les formes les plus mathématiques de l'économie néo-libérale à la pointe. On se doute quoique ce classement hiérarchique crée des dissensions au sein de la communauté des économistes, dont certains membres refusent d'adopter un formalisme mathématique jugé quelquefois excessif et superflu.
Il faut aussi noter qu'il y a peu de temps, l'économie expérimentale, nouvelle branche de l'économie consistant à effectuer des expériences de laboratoire pour tester les modèles micro-économiques, est venue concurrencer l'économétrie sur le terrain de la validation des théories. Les résultats qui émanent de cette nouvelle discipline sont fréquemment en contradiction flagrante avec les hypothèses qui sous-tendent les modèles économétriques fondés sur des modèles d'équilibre général, ce qui tend à diminuer la portée heuristique de la micro-économétrie.
«Prix Nobel» d'économie
Le Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel («prix Nobel» d'économie) a été décerné à plusieurs reprises pour des travaux économétriques :
- Jan Tinbergen et Ragnar Frisch ont reçu le premier «prix Nobel» d'économie décerné en 1969 (macroéconométrie) ;
- Lawrence Klein a reçu le prix en 1980 ;
- Trygve Haavelmo récompensé en 1989, a contribué à l'économétrie à travers l'article «The Probability Approach in Econometrics» (L'approche probabiliste en économétrie) publié en 1944 dans la revue Econometrica.
- Daniel McFadden et James Heckman partagent le prix en 2000 pour leurs travaux en microéconométrie ;
- Robert Engle et Clive Granger ont reçu le prix en 2003 pour leurs analyses économiques des séries temporelles. Engle est un pionner de la méthode ARCH et Granger a développé la méthode de cointégration.
Voir aussi
Liens externes
- (en) Société d'économétrie
- (en) Le portail de l'économétrie
- (en) John J. Siegfried, A First Lesson in Econometrics, Journal of Political Economy, 78 :6 (novembre-décembre 1970), pp. 1378-1379
- (fr) Cours d'Économétrie du Master à l'Université d'Orléans. Des ressources sur l'économétrie des séries temporelles, des variables qualitatives, de données de panel, économétrie pour la Finance, macro-Économétrie, économétrie Non Paramétrique, économétrie Non Linéaire et Prévisions et Statistique Mathématique.
- (fr) Cours d'Économétrie du Master Recherche à l'Institut d'études politiques de Paris. Des ressources sur l'économétrie.
- (fr) Association d'Économétrie Appliquée, Lire en ligne
- (fr) Cours d'Économétrie
- (fr) Site d'Exercices, Cours et Annales de Mathématiques pour Économistes, Université de Lille
- (fr) Cours d'Économétrie avec des logiciels gratuits d'économétrie
- (en) Gretl Logiciel libre (Open Source) d'Économétrie, Windows, MacOS, Linux.
Notes et références
- ↑ (en) Engle, Hendry et Richard, «Exogeneity», dans Econometrica, vol. 51, 1983, p. 277-304
- ↑ (en) Engle, Hendry et Richard, «Exogeneity», dans Econometrica, vol. 51, 1983, p. 277-304
Recherche sur Amazon (livres) : |
Voir la liste des contributeurs.
La version présentée ici à été extraite depuis cette source le 07/04/2010.
Ce texte est disponible sous les termes de la licence de documentation libre GNU (GFDL).
La liste des définitions proposées en tête de page est une sélection parmi les résultats obtenus à l'aide de la commande "define:" de Google.
Cette page fait partie du projet Wikibis.